SOLLERS Philippe Blog

10 novembre 2013

« Élever ses pensées »

Classé sous Non classé — sollers @ 12:2

Vous allumez, un soir d’été, la télévision française de service public. On doit vous parler de Louis XIV, de Versailles, et il y aura même, ensuite, un film sur Louis XV. Vous êtes édifié : de fausses naïades se trémoussent devant des fontaines, des comédiens en perruque pérorent, on boit un coup dans le château comme au bistrot, des intermittents du spectacle véhiculent dans tous les sens des chaises à porteurs, des acteurs défilent pour ne rien dire, un académicien best-seller, très en forme, bénit ce cirque. Vous êtes au cœur de la vulgarité française d’aujourd’hui.

Un magazine populiste titrait récemment : « L’homme qui a ruiné la France». Vous ne le saviez pas ? Eh bien, c’est Louis XIV. Quant à Louis XV, c’était une sorte de DSK de l’époque, en plus ramollo. Inutile de dire que Versailles, à partir de ces plaisanteries coûteuses, devient invisible, et n’attend plus que l’installation de déchets d’art contemporain pour amuser les enfants. Le parc, les jardins? Vous n’y pensez pas, aucun intérêt. Un certain Le Nôtre? Qui est-il? On ne sait pas.

Il est stupéfiant que le grand roi des jardins français, André Le Nôtre (1613-1700), n’ait pas eu droit jusqu’ici à une biographie. Mieux vaut tard que jamais, et, enfin, la voici. Commençons par sa mort, le 15 septembre 1700, et le rare hommage que lui rend Saint-Simon l’implacable : « Le Nôtre mourut après avoir vécu quatre-vingt-huit ans dans une santé parfaite, sa tête et toute la justesse de sa capacité; illustre pour avoir donné le premier les divers dessins de ces beaux jardins qui décorent la France. [...] Il avait une probité, une exactitude et une droiture qui le faisait estimer et aimer de tout le monde. [...] Il fut toujours désintéressé. [...] Il travaillait pour les particuliers comme pour le roi, et avec la même application, ne cherchait qu’à aider la nature, et à réduire le vrai beau aux moins de frais qu’il pouvait. Il avait une naïveté et une vérité charmante. Le pape pria le roi de le lui prêter pour quelques mois ; en entrant dans la chambre du pape, au lieu de se mettre à genoux, il courut à lui : « Eh ! bonjour, lui dit-il, mon révérend père, en lui sautant au col, et l’embrassant et le baisant des deux côtés ; eh ! que vous avez bon visage, et que je suis aise de vous voir en si bonne santé ! » »

Ça n’a l’air de rien, mais pour l’époque, et encore aujourd’hui, c’est énorme. Ce fils de jardinier, né aux Tuileries et mort aux Tuileries, est partout chez lui. Il est modeste, effacé, mais il sait que le pouvoir n’est rien si on ne sait pas orchestrer la nature. Il embrasse le pape, le roi, monte au-dessus d’eux, dans la géométrie et les arbres. Il est protégé par Colbert et Louvois, son coup d’œil et son esprit sont indispensables. Louis XIV l’aime de façon troublante, lui parle en tête à tête, le nomme contrôleur général des bâtiments, habite chez lui, respire chez lui, se prend pour un dieu grâce à lui. Sans le soleil réfléchi et canalisé, vaste, ombragé, mathématique, charmé, pas d’Apollon dans les clairières ou la galerie des Glaces. Le roi est ravi, le pape, nullement choqué, est ravi.

Tout le monde veut Le Nôtre : il est à Saint-Cloud, Fontainebleau, Chantilly, et, surtout, chez Fouquet, à Vaux-le-Vicomte. Louis XIV est furieusement jaloux des fêtes et des dépenses de Fouquet ? Tant mieux, ce sera Versailles, et, en 1664, Les Plaisirs de l’Île enchantée. Là, c’est une folie et une féerie d’une semaine, avec des faunes dans les branches donnant des concerts de musique. Le Nôtre est jardinier, architecte, hydraulicien, metteur en scène, il travaille du matin au soir, c’est une armée à lui seul. Les acteurs du temps s’appellent, excusez du peu, Poussin, Bernin, La Fontaine, Molière, Delalande, Lully, Sévigné.

La planète, pour Le Nôtre, est une île enchantée, gouvernée par la raison, nouveau miracle grec. Il faut des perspectives, des angles, des bassins, des échappées. L’intense variété des fleurs est musicalement prévue : tulipes, anémones, jonquilles, iris, jacinthes, pivoines, avec, en contrepoint, des arbrisseaux, chèvrefeuilles, romarin, lilas, rosiers, giroflées. À Versailles, rêve incessant, il faut s’occuper de tout. Le roi se mêle des moindres détails, il rectifie, accentue, fait la gueule, exige un peu « d’enfance », approuve, dépense sans compter. Voyez ces axes, ces terrasses, ces canaux, ces réservoirs, ces machines, ces pièces d’eau, ces parterres, ces bosquets. Le Nôtre, dans un de ses rares propos, appelle ça « élever ses pensées ». Vous ne vous en doutiez pas, mais la nature pense et il suffit de la dégager, de l’aider. On travaille ici pour les siècles : Apollon réfléchit et observe, il se promène, invisible, dans son royaume. À son retour d’Italie, avec une rare audace, Le Nôtre demande à visiter Fouquet, emprisonné à Pignerol, légende vivante, «soleil offusqué» (Morand). Louis XIV laisse faire : Le Nôtre est fidèle en amitié. On ne sait rien de cette conversation qui mériterait un livre. Vaux-le-Vicomte en prison, on croit rêver.

Il s’affaiblit, Le Nôtre, il est content d’être décoré par le roi de l’ordre de Saint-Michel, il lègue ses collections à Louis XIV, et finit par s’éteindre, à 4 heures du matin, dans sa chambre de sa maison des Tuileries, au deuxième étage. Son père était jardinier aux Tuileries, le jardin est à lui. On l’enterre àSaint-Germain-l’Auxerrois, puis à Saint-Roch. Comme il fallait s’y attendre, sa tombe est violée, et ses restes dispersés pendant la Terreur, en 1793. Il a droit à une plaque commémorative, pendant que des foules de touristes du monde entier viennent se balader dans son œuvre. Le duc de Saint-Simon, lui non plus, n’a pas pu se reposer tranquille, lui qui avait fait enchaîner son cercueil à celui de sa femme, dans son château dévasté. Ses « Mémoires » sont plus vivants que jamais, et Proust les a lus à la loupe. Le Nôtre, ou le temps retrouvé. Finalement, c’est Colbert qui a trouvé, à son sujet, les mots les plus justes, dans une lettre adressée à ce roi des jardins, le 2 août 1679 : « Vous avez raison de dire que le génie et le bon goût viennent de Dieu et qu’il est très difficile de les donner aux hommes. »

 Patricia Bouchenot-Déchin, André Le Nôtre, Editions Fayard, 2013.

 Philippe Sollers
Le Nouvel Observateur n°2550, 19 septembre 2013.

 

 

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15 janvier 2012

Le rire de Mozart

Classé sous Non classé — sollers @ 12:2

DSK à Pékin
Et le revoilà ! Rasé de frais, en pleine forme, invité par le géant d’Internet en Chine, pour une conférence de quarante-cinq minutes à Pékin. Il parle un anglais parfait, survole l’économie mondiale, critique la gestion de l’euro, sourit à son nouveau destin qui s’annonce. Les camarades chinois ont réussi un coup fumant : si les Américains ont arrêté DSK à New York pour une affaire confuse, il est célébré dans la capitale de l’empire du Milieu. Tout va bien : Anne Sinclair a été élue « femme de l’année » au détriment de Christine Lagarde, notre séducteur national prend des cours de civilisation érotique accélérée. Doué comme il est, il parlera couramment chinois dans deux mois. Quelqu’un de bien informé m’assure que les escort girls chinoises qui accompagnaient DSK étaient toutes des petites-filles des anciennes jeunes expertes convoquées par Mao, le samedi soir, dans le pavillon des Chrysanthèmes de la Cité interdite. Fini les aventures glauques avec n’importe quelle Blanche maladroite surveillée par « Dodo la saumure » ; oublié les bousculades et les vulgarités d’autrefois ! Place aux nuits de Chine raffinées et câlines ! Si j’étais à la place des socialistes, je reprendrais vite ce ténor comme candidat à la présidence française. Lui seul, réhabilité, blanchi, peut l’emporter largement sur Sarko, Marine Le Pen, Hollande, Bayrou. Il faut tout reprendre, réécrire le scénario, enfiévrer ce pays morose, quitter la Corrèze, le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône, s’aligner sur le choix éclatant de Pékin. DSK président? C’est l’évidence. Crise, chômage, récession, agonie de l’euro, devenir mondial de la monnaie chinoise, lui seul a les solutions.

La Chinoise
Il se passait de drôles de choses à Paris en 1966, et elles ont explosé deux ans plus tard dans un événement mémorable. Le livre épatant d’Anne Wiazemsky, Une année studieuse (1), en témoigne. Elle a 19 ans à l’époque, elle vient de tourner avec Robert Bresson, elle écrit à Jean-Luc Godard, qu’elle l’aime, il vient la voir, ils commencent une liaison, ils vont se marier clandestinement en Suisse. Godard, 36 ans, est déjà très célèbre (À bout de souffle, Pierrot le fou, l’admirable Mépris), mais il est en train de virer gauchiste, d’où La Chinoise, petit livre rouge de Mao à l’appui. Les scènes cocasses abondent : Godard demandant la main d’Anne à son grand-père François Mauriac, le mariage expédié devant un maire suisse ahuri, Jean Vilar, au Festival d’Avignon, s’obstinant à appeler le film « La Tonkinoise », etc. On découvre ici un Godard inconnu, fragile, coléreux, jaloux, tranchant, sentimental et génial. J’avais presque oublié qu’il m’avait réservé un rôle dans son film, et je ne regrette pas mon absence. Que voulez-vous, c’était notre jeunesse, et nous n’en aurions pas voulu d’autre. C’est ce que doit encore penser un certain rouquin de Nanterre, université où Anne est censée faire des études de philosophie. Personne ne le connaît à l’époque. Il s’appelle Dany Cohn-Bendit, et il va bientôt soulever des foules. Godard, Cohn-Bendit, et moi dans un coin : trouvez-moi aujourd’hui un autre plateau télé de ce genre.

Seins
Le spectacle, désormais, abonde en contradictions hurlantes. D’un côté, les crises d’hystérie des Coréens du Nord à la mort de leur dictateur (femmes convulsées en pleurs, cris de détresse) ; de l’autre, la disparition d’un vrai saint laïque de la liberté, deuil émouvant, à Prague, pour Václav Havel. D’un côté, les massacres à huis clos en Syrie ; de l’autre, les manifestations anti-Poutine. Le vieux Benoît XVI, très fatigué (on le serait à moins), bénit cette planète de plus en plus folle, et parle de la « lassitude » des chrétiens occidentaux abrutis dans leurs fêtes, tandis qu’on tue des chrétiens un peu partout, au Niger et ailleurs. Le clou spectaculaire est quand même la brusque irruption des implants mammaires sur vos écrans. Cachez-moi tous ces seins que je ne saurais voir ! Dans cette charcuterie dangereuse et démente, il y a eu des milliers d’implantations, il y aura maintenant des explantations. On plante, on implante, on explante, on réimplante, voilà le menu. Si vous voulez rire quand même, lisez ou relisez le petit roman prophétique de Philip Roth, Le Sein, publié en anglais en 1972, et seulement en 1984 en français (2). Plus fort que la Métamorphose, de Kafka, difficile à faire. Un homme est soudain transformé en gros sein et raconte ses aventures. C’est ahurissant et tordant.

Blasphème
J’étais prêt à me déchaîner contre la cathophobie systématique révélée par différents spectacles blasphématoires, comme Golgota Picnic. A-t-on idée ? Imagine-t-on une pièce intitulée « Auschwitz cocktail », « La Mecque lunch », « Dalaï-Lama porno » ? Elle serait aussitôt interdite, et nous n’aurions pas à subir les pénibles démonstrations publicitaires des cathos intégristes, prières à genoux, cierges et croix. Un blasphème réel ? Oui, en voici un, et il a eu lieu à la Scala de Milan, lors d’une représentation étourdissante du Don Giovanni de Mozart. Enfin un metteur en scène qui ose montrer l’ambivalence des héroïnes de cet opéra insurpassable. Anna, pas mécontente de se faire violer avant l’apparition de son Commandeur de père ; Elvire transie d’amour pour son scélérat de mari, se déshabillant et restant frémissante en combinaison de soie verte ; Zerline, enfin, aguicheuse, mutine, menteuse, pas du tout la paysanne bornée et bernée qu’on a l’habitude de figurer. Et voici le blasphème le plus violent de nos jours. À la fin, entraîné en enfer par le Commandeur, Don Giovanni disparaît dans les flammes. Le quatuor des victimes s’avance au premier plan pour se réjouir que justice soit faite avec l’aide de l’au-delà. Stupeur : Don Giovanni réapparaît, désinvolte, et allume une cigarette. Fumer dans un théâtre prestigieux ! Acte beaucoup plus transgressif qu’une scène pornographique ! On sent le public gêné, réticent, sourdement réprobateur, d’autant plus que les représentants du bien, eux, sont expédiés en enfer. Le mal triomphe, cigarette à la main ! On entend quelqu’un mourir de rire en coulisses : Mozart.

(1) Gallimard, janvier 2012.
(2) Folio n° 1.607.

Philippe Sollers – Le Journal du Dimanche n° 3485, dimanche 01 janvier 2012.

 

 

 

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11 décembre 2011

la passion de la liberté

Classé sous Non classé — sollers @ 13:2

Leurro

Finalement, cet euro n’est-il pas un leurre ? Nous courons après dans un tourbillon, mais j’aimerais savoir qui manipule le leurre et l’argent du leurre. Vous avez sans doute remarqué que nous sommes désormais 7 milliards d’habitants sur cette planète. Comme il y a plus d’un milliard de Chinois en pleine expansion économique rapide, il était fatal que l’euro en crise aille chercher de l’aide de ce côté-là. On assiste alors à des indignations diverses, surtout à gauche. Un vieux socialiste déclare que traiter avec les Chinois est une capitulation digne de « Munich ». Ces Chinois sont inquiétants, bien sûr, mais les comparer à Hitler frôle quand même la démence. Un pas de plus, et tous les vieux clichés racistes seront de retour, « péril jaune » compris.

Qui va sauver l’euro et l’Europe ? Qui nous protégera de la dictature des marchés ? Obama ? Certes, on l’a vu en idylle rapprochée avec Sarkozy, mais cette lune de miel durera-t-elle ? Le dollar n’est-il pas foncièrement jaloux de l’euro ? Leurro pour leurro, j’admire la parade qui consiste à nommer des techniciens de l’opacité financière au poste de commandement. L’Italie et l’Espagne viennent ainsi de retomber entre les mains des jésuites, Monti et Rajoy étant deux élèves surdoués de la Compagnie.
La rigueur étant à l’ordre du jour, elle va s’aggraver dans des proportions encore inconnues pour la France et son triple A problématique. Heureusement, le futur président Hollande a déclaré : « Je veux donner un sens à la rigueur.» Noble programme, qui me rassure pleinement, moi et mes modestes leurros. Je compte sur Hollande pour me préserver des Chinois.

La Corrèze, voilà l’avenir : là, au moins, dans la France profonde, tout le monde est normal.

Baisers

Je ne comprends pas les réactions frileuses au sujet de la campagne photographique de Benetton. Elle choque sans doute des cathos arriérés qui, de façon pathétique, manifestent, avec bougies, devant des théâtres ou des cinémas. Mais Benoît XVI n’est pas mal du tout dans son étreinte avec un imam. Après tout, ils ont le même Dieu, à quelques variantes près. Du moment qu’on ne voit pas le pape enlacé avec le dalaï-lama, les Chinois se tiendront tranquilles. Mais je propose d’autres images. Angela Merkel s’embrassant elle-même serait une bonne idée.

Pour une campagne hexagonale, on peut révéler brusquement des affinités électives, des solidarités cachées. Une photo bouche à bouche de Sarkozy et Hollande s’impose. Je vois bien un baiser de paix entre DSK et Nafissatou Diallo. Autres propositions : Eva Joly se jetant sur Marine Le Pen, Montebourg sur Christine Lagarde, Mélenchon sur Cécile Duflot, Manuel Valls sur Jean-François Copé, Bayrou sur Claude Guéant, Moscovici sur Carla Bruni. Plus fort encore : un plan Atlantique avec Juppé, maire de Bordeaux, roulant un patin à Ségolène Royal, future députée de La Rochelle. Ou alors, carrément, un plan western hard : Cohn- Bendit et Nadine Morano.

Viols

Des massacres quotidiens en Syrie, des émeutes sanglantes en Égypte, considérez votre chance de vivre dans une niche fiscale, même rabotée, puisqu’il faut bien que les populations s’habituent à payer les extravagances des banques. La Corrèze est mystérieusement protégée de ce qui devient un problème national : viols à répétition, avec meurtres hallucinants des jeunes générations, fillette poignardée, jeune fille violentée et brûlée en forêt. Rien de plus sinistre que ces « marches blanches » dans les villages touchés par cette irruption de folie furieuse.

À côté de ces symptômes tragiques, les incartades plus ou moins glauques de DSK, ont l’air de lourdes plaisanteries. Le plus curieux est qu’il ait eu besoin de partenaires masculins pour ses « parties fines » (curieuse expression des médias à propos d’une absence flagrante de finesse). Cependant, tout s’arrange : DSK est en Israël, il se laisse pousser la barbe, une illumination divine serait bienvenue. Je renonce à mon projet initial de lui servir de nègre pour ses Mémoires érotiques, avec une longue introduction sur les particularités de la sexualité socialiste (Hollande, qui veut ressembler à Mitterrand, n’est visiblement pas au courant du sujet). Alors quoi ? Ma conversion ne serait pas un mauvais titre. Je l’enregistre à Jérusalem, je brode un peu, je montre ma science biblique, et DSK sort de son bourbier par le haut. Le voilà guéri et remis en selle, avec un plan tout neuf pour le sauvetage du leurro.

Éducation

Il est urgent d’instituer, dans tous les lycées et collèges, des cours de goût. Ils seront obligatoires, comme ceux du catéchisme autrefois. Les jeunes gens et les jeunes filles y seront appelés à se respecter, et tout simplement à se regarder et à s’écouter. La diminution des viols deviendra évidente. Programme : le lundi, architecture, le mardi, peinture, le mercredi, musique, le jeudi, sculpture, le vendredi, littérature. Chaque élève devra savoir réciter par cœur deux ou trois fables de La Fontaine, et quatre poèmes de Baudelaire tirés des Fleurs du mal. Exemple : « Mais le vert paradis des amours enfantines,/Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,/Les violons vibrant derrière les collines,/Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets…» Etc.

Livre à lire et à relire : Histoire de ma vie, de Casanova1. Chaque élève devra réciter ce paragraphe : « Le tempérament sanguin me rendit très sensible aux attraits de toute volupté, toujours joyeux, et toujours empressé de passer d’une jouissance à l’autre, et ingénieux à les inventer. »  Et aussi : « En me rappelant les plaisirs que j’ai eus, j’en jouis une seconde fois, et je ris des peines que j’ai endurées et que je ne sens plus. Membre de l’univers, je parle à l’air, et je me figure rendre compte de ma gestion, comme un maître d’hôtel le rend à son maître avant de disparaître.»

On ne tiendra aucun compte des protestations intempestives des parents d’élèves. Les projections de reproductions de Fragonard, Manet, Picasso, auront un succès fou. Quant à vous, vous devez, séance tenante, vous procurer le catalogue somptueux de l’exposition « Casanova, la passion de la liberté » à la Bibliothèque nationale. Il coûte seulement 49 leurros. C’est pour rien.

1-   Casanova l’admirable, Folio n° 3318.

Philippe Sollers
Mon journal du mois
Le Journal du Dimanche3480, du 27 novembre 2011

 

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