Voilà l’infilmable
C’est une phrase qui se glisse d’une oreille à l’autre : « Avez-vous lu le dernier Sollers ? Il est formidable. » Un Sollers est déjà une appellation contrôlée. Avec « L’éclaircie » (joli titre), comme pour « Trésor d’amour », Sollers semble hésiter entre le roman et l’essai. Un genre nouveau qu’il installe au fil de ses publications. C’est que l’écrivain est un homme cultivé et qu’il nous le prouve à chaque fois davantage. Peut-être même trop. « L’éclaircie » n’est donc pas à la portée de la première ménagère venue. Ça tombe bien, Sollers, qui publie dans la collection Blanche de Gallimard, s’adresse à un lectorat avisé. D’amour, il est forcément question dans un Sollers.
Cette fois-ci, il est multiforme et hors normes. « Anne a été, et reste, très belle » et puis « Il faisait très chaud, on avait bu, on s’est seulement embrassés en profondeur, j’en frissonne encore. Le lendemain, bien sûr, rien ne s’était passé. » Une scène banale. Mais voilà, Anne n’est autre que la sœur dudit narrateur. La vraie sœur, celle qu’il revoit enfant dans le jardin familial, sous le cèdre. Un début d’inceste qui ne cesse de s’infuser dans les histoires autorisées. Enfin pas tout à fait autorisées, puisque Lucie – l’autre femme de sa vie – est une femme mariée. L’éloge de l’adultère nous sied mais celui de l’inceste nous gêne.
Au fond, ces aventures ne sont que des prétextes pour emmener le lecteur sous d’autres cieux. Celui de la peinture, cette fois. « C’est en s’embrassant passionnément et longtemps qu’on sait si on est d’accord. Le long et profond baiser, voilà la peinture, voilà l’infilmable », écrit Philippe Sollers. Et de nous entraîner dans un voyage avec Manet. « Libre à vous d’avancer plus loin, comme Manet s’est permis de le faire avec Titien et Picasso avec Velazquez… » Voici très précisément l’objet de « L’éclaircie » : aller plus loin.
« L’éclaircie », de Philippe Sollers, éd. Gallimard, 234 pages, 17,90 euros.
Valérie Trierweiler
Paris Match, 7 février 2012.
Mots-clés : Edouard Manet, Pablo Picasso, Paris Match, Titien, Valérie Trierweiler, Velazquez